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D. Trump pense à des crédits immo sur 50 ans… Pourquoi c’est une mauvaise idée ?

minutes de lecture
18 novembre 2025

1. Une tentation venue des États-Unis… à ne pas importer

Aux États-Unis, l’entourage de Donald Trump réfléchirait à autoriser des crédits immobiliers sur… 50 ans. L’idée : réduire la mensualité, redonner artificiellement du “pouvoir d’achat immobilier” et relancer le marché.

Vu d’ici, dans une France où l’accession se grippe, la tentation pourrait être grande :

« Et si on faisait pareil ? 40 ans ? 50 ans ? Comme ça, tout le monde pourrait à nouveau acheter… »

Sauf que non.

En réalité, allonger encore la durée des crédits n’est pas la solution à la crise du logement. C’est un pansement sur une jambe de bois, et dans certains cas un accélérateur de hausse des prix.

Dans cet article, l’objectif est double :

  • vous donner des arguments chiffrés pour vos clients,
  • et un regard macro pour comprendre ce qui se joue vraiment derrière la durée des prêts.

2. Pourquoi allonger la durée des crédits séduit… en apparence

Sur le papier, l’argument est simple : plus la durée est longue, plus la mensualité est basse. Donc plus de ménages peuvent “passer” les critères de financement, ou emprunter plus d’argent avec une mensualité similaire (puisqu’ils vont rembourser plus longtemps).

Prenons un exemple concret, au taux fixe de 3 % pour un achat de 200.000 €.

Les calculs donnent :

Durée du créditn (mois)Mensualité M
20 ans240≈ 1 109 €
30 ans360≈ 843 €
40 ans480≈ 716 €
50 ans600≈ 644 €

On voit tout de suite la séduction du système :

  • Passer de 20 à 30 ans fait baisser la mensualité d’environ 24 %.
  • Passer de 30 à 50 ans la baisse encore d’environ 24 % supplémentaires.

Pour un jeune ménage qui gagne 3.000 € nets à deux, l’écart entre 1 109 € et 843 €, puis 644 €, change tout en termes de taux d’endettement.

👉 En apparence, rallonger la durée :

  • fait « rentrer » plus de dossiers,
  • permet de faire passer des acquisitions qui seraient refusées à 20 ans,
  • et donne l’illusion d’une meilleure accessibilité.

Mais cette vision oublie deux choses :

  1. Le coût total du crédit explose.
  2. Et surtout, l’histoire française montre que les durées longues ont tendance à faire… monter les prix.

3. Ce que montrent les chiffres aujourd’hui en France : on est déjà très haut

Contrairement à ce qu’imaginent certains clients, la France n’est pas un pays où l’on emprunte “court”.

  • La durée moyenne des nouveaux prêts pour l’achat de résidence principale est déjà d’environ 23 ans (et même un peu plus pour les primo-accédants) d’après l’Insee.
  • Au niveau européen, la plupart des pays se situent entre 20 et 30 ans, et la France est plutôt dans le haut de la fourchette.

Autrement dit :

Le levier “durée” est déjà largement utilisé.
On ne part pas de 10 ou 15 ans, on part de plus de 20 ans de durée moyenne.
La vraie question n’est donc pas : « Faut-il rallonger ? »
Mais plutôt : « Qu’est-ce qui se passe quand on rallonge encore ? »

Pour le comprendre, retour en arrière.

4. Flashback 1998–2005 : quand l’allongement des durées a fait flamber les prix

Imaginez la fin des années 90.

  • Les taux sont bas et baissent encore.
  • L’euro arrive.
  • Les banques se livrent une concurrence agressive sur le crédit immobilier.
  • La pierre devient le placement star.

Dans le même temps, un mouvement de fond se met en place : les durées des prêts s’allongent.

Entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000, pour l’ancien on passe d’environ 15 ans de durée moyenne à 19 ans (source IGEDD).

Et que s’est-il passé sur les prix ? Entre le 3ᵉ trimestre 1996 et le 3ᵉ trimestre 2004, les prix réels des logements anciens ont grimpé d’environ +86 %.

Le mécanisme économique, très concret

  1. Durées plus longues → mensualités plus faibles Pour un même revenu, un ménage peut désormais emprunter davantage.
  2. Capacité d’emprunt plus élevée → offres d’achat plus élevées Sur un marché où l’offre est relativement rigide (peu de construction, délais longs), ce supplément de capacité se traduit surtout en hausse de prix.
  3. Résultat : les prix s’envolent plus vite que les revenus. Les propriétaires en place s’enrichissent, les primo-accédants peinent à suivre.

Et le taux de propriétaires, dans tout ça ?

Sur la période, la part des ménages propriétaires de leur résidence principale progresse, mais modestement :

  • autour de 54–55 % de propriétaires en 1996,
  • autour de 57–58 % en 2006 (source IGEDD).

Donc oui, on a gagné quelques points de propriétaires, mais :

  • la flambée des prix a creusé les écarts,
  • et les études montrent qu’au début des années 2000, ce sont surtout les ménages les plus aisés qui accèdent, tandis que la part des plus modestes parmi les accédants recule.

Moralité du flashback :

Allonger les durées a permis à certains de monter dans le train, mais surtout… ça a rendu le billet beaucoup plus cher pour tout le monde.

5. Le mauvais rêve américain : un prêt à 50 ans, un faux remède

Revenons à notre hypothèse de crédit à 50 ans sur 200.000 € à 3 %.
On a vu la mensualité (≈ 644 €). Ce qui séduit, c’est ça.
Mais pour juger la pertinence de la mesure, il faut regarder le coût total.

Explosion des intérêts selon la durée

À partir de la même formule d’annuité que précédemment, les montants sont les suivants :

  • 20 ans
    • Mensualité ≈ 1 109 €
    • Total remboursé ≈ 266 207 €
    • Intérêts ≈ 66 207 € soit 3 310 € en moyenne par an.
  • 30 ans
    • Mensualité ≈ 843 €
    • Total remboursé ≈ 303 555 €
    • Intérêts ≈ 103 555 € soit 3 452 € en moyenne par an.
  • 40 ans
    • Mensualité ≈ 716 €
    • Total remboursé ≈ 343 665 €
    • Intérêts ≈ 143 665 € soit 3 592 € en moyenne par an.
  • 50 ans
    • Mensualité ≈ 644 €
    • Total remboursé ≈ 386 373 €
    • Intérêts ≈ 186 373 € soit 3 727 € en moyenne par an.

👉 Entre 20 ans et 50 ans :

  • la mensualité baisse d’environ 42 %,
  • mais le montant des intérêts est multiplié par presque 3,
  • et surtout la charge moyenne d’intérêts par an augmente, comme si vous payiez un loyer plus cher pour un même bien…

Le message à faire passer à vos clients est simple : « La banque ne vous fait pas un cadeau, elle vous loue l’argent beaucoup plus longtemps. »

Pourquoi le modèle US n’est pas transposable tel quel

Sans entrer trop dans les détails, il faut rappeler que :

  • le système US fonctionne beaucoup avec la titrisation,
  • la protection de l’emprunteur n’est pas la même qu’en France,
  • la fiscalité, les assurances, le marché locatif sont différents.

Bref, un crédit à 50 ans aux États-Unis n’aurait ni les mêmes risques, ni les mêmes effets qu’en France. Et même là-bas, l’idée suscite déjà beaucoup de critiques.

6. Le vrai nœud du problème : les taux, pas la durée

Les travaux de la Banque centrale européenne montrent qu’une hausse d’1 point des taux de crédit immobilier entraîne en moyenne :

  • une baisse d’environ 5 % des prix après deux ans,
  • une baisse d’environ 8 % de l’investissement dans le logement.

Ce qu’il faut en retenir pour vous, sur le terrain :

  • La hausse des taux freine la demande et la construction.
  • Quand les taux sont élevés, allonger uniquement la durée revient à lutter contre la marée avec une cuillère.
  • On maintient artificiellement un peu de volume, mais au prix d’un coût gigantesque pour l’emprunteur et sans résoudre le déséquilibre structurel entre offre et demande.

7. La vraie solution : l’offre, encore et toujours

La Banque européenne d’investissement et de nombreux rapports récents convergent : ce qui bloque aujourd’hui en France, ce n’est pas seulement le financement, c’est le manque d’offre adaptée.

Les pistes évoquées :

  • Simplifier et stabiliser les règles d’urbanisme.
  • Libérer du foncier dans les zones tendues.
  • Accélérer les procédures pour la construction neuve.
  • Réhabiliter les logements vacants.
  • Mieux cibler les aides publiques.

On ne sortira pas de la crise du logement avec des astuces de financement, mais avec une politique de production et de rénovation ambitieuse.

Rallonger encore les durées de crédit, surtout vers 40 ou 50 ans, ne ferait que :

  • gonfler la facture d’intérêts,
  • encourager une nouvelle tension sur les prix si les taux redescendent,
  • sans augmenter significativement, à long terme, le nombre de propriétaires stables.

En résumé, le message clé que vous pouvez porter

Rallonger la durée des crédits ne règle pas la crise du logement.
Ça soulage un peu à court terme, mais ça alimente la hausse des prix et le coût pour les ménages.
La vraie bataille se joue sur les taux, l’offre de logements et la politique du foncier, pas sur des crédits sur 50 ans qui transforment l’accession en marathon à vie.

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