
Aux États-Unis, l’entourage de Donald Trump réfléchirait à autoriser des crédits immobiliers sur… 50 ans. L’idée : réduire la mensualité, redonner artificiellement du “pouvoir d’achat immobilier” et relancer le marché.
Vu d’ici, dans une France où l’accession se grippe, la tentation pourrait être grande :
« Et si on faisait pareil ? 40 ans ? 50 ans ? Comme ça, tout le monde pourrait à nouveau acheter… »
Sauf que non.
En réalité, allonger encore la durée des crédits n’est pas la solution à la crise du logement. C’est un pansement sur une jambe de bois, et dans certains cas un accélérateur de hausse des prix.
Dans cet article, l’objectif est double :
Sur le papier, l’argument est simple : plus la durée est longue, plus la mensualité est basse. Donc plus de ménages peuvent “passer” les critères de financement, ou emprunter plus d’argent avec une mensualité similaire (puisqu’ils vont rembourser plus longtemps).
Prenons un exemple concret, au taux fixe de 3 % pour un achat de 200.000 €.
Les calculs donnent :
| Durée du crédit | n (mois) | Mensualité M |
|---|---|---|
| 20 ans | 240 | ≈ 1 109 € |
| 30 ans | 360 | ≈ 843 € |
| 40 ans | 480 | ≈ 716 € |
| 50 ans | 600 | ≈ 644 € |
On voit tout de suite la séduction du système :
Pour un jeune ménage qui gagne 3.000 € nets à deux, l’écart entre 1 109 € et 843 €, puis 644 €, change tout en termes de taux d’endettement.
👉 En apparence, rallonger la durée :
Mais cette vision oublie deux choses :
Contrairement à ce qu’imaginent certains clients, la France n’est pas un pays où l’on emprunte “court”.
Autrement dit :
Le levier “durée” est déjà largement utilisé.
On ne part pas de 10 ou 15 ans, on part de plus de 20 ans de durée moyenne.
La vraie question n’est donc pas : « Faut-il rallonger ? »
Mais plutôt : « Qu’est-ce qui se passe quand on rallonge encore ? »
Pour le comprendre, retour en arrière.
Imaginez la fin des années 90.
Dans le même temps, un mouvement de fond se met en place : les durées des prêts s’allongent.
Entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000, pour l’ancien on passe d’environ 15 ans de durée moyenne à 19 ans (source IGEDD).
Et que s’est-il passé sur les prix ? Entre le 3ᵉ trimestre 1996 et le 3ᵉ trimestre 2004, les prix réels des logements anciens ont grimpé d’environ +86 %.
Sur la période, la part des ménages propriétaires de leur résidence principale progresse, mais modestement :
Donc oui, on a gagné quelques points de propriétaires, mais :
Moralité du flashback :
Allonger les durées a permis à certains de monter dans le train, mais surtout… ça a rendu le billet beaucoup plus cher pour tout le monde.
Revenons à notre hypothèse de crédit à 50 ans sur 200.000 € à 3 %.
On a vu la mensualité (≈ 644 €). Ce qui séduit, c’est ça.
Mais pour juger la pertinence de la mesure, il faut regarder le coût total.
À partir de la même formule d’annuité que précédemment, les montants sont les suivants :
👉 Entre 20 ans et 50 ans :
Le message à faire passer à vos clients est simple : « La banque ne vous fait pas un cadeau, elle vous loue l’argent beaucoup plus longtemps. »
Sans entrer trop dans les détails, il faut rappeler que :
Bref, un crédit à 50 ans aux États-Unis n’aurait ni les mêmes risques, ni les mêmes effets qu’en France. Et même là-bas, l’idée suscite déjà beaucoup de critiques.
Les travaux de la Banque centrale européenne montrent qu’une hausse d’1 point des taux de crédit immobilier entraîne en moyenne :
Ce qu’il faut en retenir pour vous, sur le terrain :
La Banque européenne d’investissement et de nombreux rapports récents convergent : ce qui bloque aujourd’hui en France, ce n’est pas seulement le financement, c’est le manque d’offre adaptée.
Les pistes évoquées :
On ne sortira pas de la crise du logement avec des astuces de financement, mais avec une politique de production et de rénovation ambitieuse.
Rallonger encore les durées de crédit, surtout vers 40 ou 50 ans, ne ferait que :
Rallonger la durée des crédits ne règle pas la crise du logement.
Ça soulage un peu à court terme, mais ça alimente la hausse des prix et le coût pour les ménages.
La vraie bataille se joue sur les taux, l’offre de logements et la politique du foncier, pas sur des crédits sur 50 ans qui transforment l’accession en marathon à vie.