L'Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) a récemment mis en lumière les tendances clés du marché immobilier français par la publication d’une étude chiffrée sur le logement en France. On y découvre notamment que le parc résidentiel en France a connu une augmentation constante au fil des décennies, mais la période 2013-2023 a révélé un recul notable de la part des propriétaires de leur résidence principale, une première depuis 1983. La Maison des Mandataires vous décrypte les principaux chiffres de cette étude et leur signification pour le marché immobilier.
Depuis 1983, le parc résidentiel en France (y compris DOM-TOM, hors Mayotte) a connu une croissance constante, passant de 24,4 millions de logements à 37,8 millions en 2023, soit près de 55% en 40 ans. Les principaux leviers qui ont stimulé la demande de logements en France ne sont un secret pour personne : l’augmentation de la population qui résulte de la combinaison du vieillissement de la population et d’un des taux de fécondité les plus élevés en Europe, et l’explosion de la cellule familiale qui démultiplie le nombre de logements nécessaires pour une population égale.
Face à cette demande, la construction de logements neufs et la transformation de locaux non résidentiels en logements ont contribué à l'augmentation du nombre de logements, bien que le rythme ait fléchi récemment.
En effet, et cela paraît assez contre-intuitif, la croissance du parc a ralenti depuis 2007, avec une atténuation encore plus marquée au cours des cinq dernières années.
Au vu de la crise actuelle du logement, il apparaît clair que les efforts de construction n’ont pas été suffisants. Pourtant, le contexte s’est sérieusement compliqué avec des politiques publiques qui sont devenues particulièrement restrictives comme l’introduction de la ZAN (Zéro Artificialisation Nette).
Il ressort également de cette étude que 57,2% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale en 2023, une légère diminution par rapport à 57,6% en 2013. On peut penser qu’une baisse de 0,4 points en 10 ans n’est pas importante, mais vue la masse concernée, cela représente tout de même 150.000 logements en RP dont les occupants ne sont pas propriétaires.
Parallèlement à la baisse des propriétaires de leur RP, et presque de manière symétrique, la part des locataires a augmenté, passant de 39,5% à 40,2% des ménages.
Pourtant, dès 2007, le président N. Sarkozy rêvait « d’une France de propriétaires ». De plus, les 5 dernières années représentent les belles années du marché résidentiel avec une demande stimulée par des taux d’emprunts très bas et de nouveaux records de transactions chaque année. Cependant, cela n’a pas suffit à donner le coup de pouce nécessaire pour augmenter significativement la part des propriétaires.
Cette double tendance observée pour la première fois depuis 1983 met en lumière un changement de dynamique de la propriété immobilière en France, et notamment des facteurs socio-économiques. Par exemple, la mobilité professionnelle accrue peut favoriser la location plutôt que l'achat. Par ailleurs, parmi les nouvelles générations, nombreux sont ceux qui semblent moins attachés à la propriété et qui tendent à privilégier d’autres formes d’occupation qui leur apportent la flexibilité recherchée. Enfin, et probablement surtout, l’augmentation continue des prix, de manière décorrélée avec l’augmentation réelle du pouvoir d’achat des Français (c’est-à-dire l’augmentation des salaires) a contribué à exclure une frange de plus en plus importante de la population qui se retrouve cantonnée au parc locatif malgré un désir exprimé d’accéder à la propriété.
Les chiffres de l’INSEE révèlent également une augmentation significative de la part des propriétaires sans charge de remboursement depuis 1983. Cela reflète l'enrichissement d'une portion significative de la population française, avec près de 14 millions de logements entièrement payés en 2023, contre à peine 7 millions il y a 40 ans.
Cependant, malgré les politiques encourageant l'accession à la propriété, la part des accédants a diminué, passant de 23,5% à 20,3% entre 1993 et 2023 illustrant le fait que le parcours résidentiel reste très compliqué malgré des facteurs économiques qui ont pourtant été favorables ces dernières années avec des taux d’intérêt historiquement bas.
Apparaît alors une France à deux vitesses, avec d’une part des propriétaires bien installés qui jouissent d’un patrimoine qui se valorise, et d’autre part des Français qui n’arrivent pas à mettre en œuvre leur parcours résidentiel. L’égalité des chances n’est plus au rendez-vous et le fossé continue à se creuser.
Ces chiffres de l'INSEE offrent une vue précise de l'évolution du marché immobilier en France qui résulte d’une multitude de facteurs interconnectés. Certaines politiques gouvernementales ont visé à encourager l'accession à la propriété, mais les effets semblent limités face aux réalités économiques. Les taux d'intérêt bas ont stimulé la demande, mais le coût élevé de l'immobilier dans certaines régions a pu dissuader les achats, voire exclure complètement du marché certains ménages. Par ailleurs, les tendances socio-démographiques, la réglementation du marché locatif, l'accessibilité financière, et les préférences générationnelles influencent la dynamique entre location et propriété. En comparaison avec d'autres pays européens, la France présente une tendance unique : ni une France de propriétaires en comparaison avec l’Espagne, ni vraiment une France de locataires en comparaison avec l’Allemagne. Décidément, le « ni-ni » est bien français ! Mais cette réalité ne peut occulter les défis qui restent à relever à tous les niveaux de la société.