Le très regretté Georges Wolinski, figure du journal Charlie Hebdo, avait publié en 2012 un livre intitulé Le Pire de l’avenir dans lequel il proposait une solution pour réduire l’inflation : « Pour lutter contre l'inflation, il n'y a qu'une seule solution : ne pas donner d'argent à ceux qui le dépensent et ne pas le prendre à ceux qui le conservent ». Dit sous le ton de la boutade, cette phrase montre que la lutte contre l’inflation ne peut se faire sans contraindre d’une façon ou d’une autre les consommateurs. Aujourd’hui, alors que la hausse des prix atteint un record en France en Europe depuis 30 ans, les plus éminents économistes réfléchissent aux moyens de ralentir la cadence. On sait déjà que les mesures mettront du temps à faire effet et qu’on reparlera donc beaucoup de cette inflation pendant les prochains mois.
Les personnes qui envisagent un projet immobilier, à l’achat comme à la vente, s’interrogent légitiment quant aux conséquences de ce phénomène. Voici les 5 questions qui se posent et comment nous vous conseillons d’y répondre !
Comme vous le savez, les banques regardent le reste à vivre des ménages afin d’évaluer leur capacité à s’endetter. Autrement dit, elles déduisent du revenu l’ensemble des dépenses contraintes (impôts, énergie, téléphone, etc.) et fixent donc le niveau de mensualité maximum. Or, les pénurie de la fin d’année 2021 et la guerre en Ukraine ont eu pour effet de renchérir considérablement le coût de plusieurs dépenses contraintes. L’essence a explosé, tout comme l’ensemble des prix de l’énergie. Sur le papier donc, l’inflation réduit le reste à vivre des Français et ils auront accès à des enveloppes de crédit moins importantes.
Fort heureusement, les mesures gouvernementales vont avoir tendance à réduire cet effet. Dès l’automne 2021, l’Etat Français avait pris la décision de geler les tarifs du gaz et ce gel devrait durer jusqu’à la fin de l’année 2022. Il en coutera environ 10 milliards d’euros aux finances publiques mais les restes à charges des Français seront préservés. Idem pour l’électricité qui auraient du augmenté de 40% mais qui n’ont cru que de 4% grâce à un plafonnement administratif décidé par l’Etat. S’ajoutent enfin l’indemnité inflation de 100€ et la ristourne de 15 centimes sur le prix du carburant. Vous pouvez donc rassurer vos interlocuteurs, l’Etat Français a fait le choix d’amortir une bonne partie de la hausse des prix ce qui évitera aux banques d’avoir à serrer la vis.
C’est la question à un million d’euros ! Quels placements faut-il privilégier en période d’inflation forte comme c’est le cas en ce moment ? De manière générale, les conseillers financiers recommandent d’éviter les valeurs boursières qui pourraient subir de plein fouet la hausse des prix. Nous pensons par exemple aux constructeurs automobiles qui ne pourront pas répercuter aux clients finaux l’ensemble des surcouts de production. De même, les obligations ne sont pas un placement très habile en période d’inflation car, dans l’histoire, leur valeur a diminué à chaque fois que les prix à la consommation augmentaient. Quid de l’immobilier ?
Historiquement, l’immobilier locatif s’est révélé être un bon placement en période d’inflation. Pour cause, les loyers que vous pouvez tirer de votre bien sont eux-mêmes indexés sur l’inflation (voir le point plus bas). Ils vont donc augmenter dès l’acquisition du bien et aussi longtemps qu’il y aura de l’inflation. Pour les propriétaires occupants qui vivent dans leur logement, tout dépend de l’horizon de revente que vous vous fixez. S’il s’agit d’un achat-revente en 1 ou 2 ans, ce qui est rarement le cas, danger ! En effet, sur cette période il est fort à parier que les prix de l’immobilier augmenteront moins vite que les prix à la consommation. Aussi, la valeur relative de votre bien immobilier aura baissé sur ces 12 ou 24 mois. En revanche, si l’horizon de revente est plus lointain, disons 10 ans, le problème ne se pose pas ainsi. Personne ne pense aujourd’hui que l’inflation continuera pendant une décennie et certains disent même que le pic est passé. Autrement dit, les éléments qui expliqueront la valeur de votre bien dans 10 ans sont très largement indépendants du niveau d’inflation. Pour les acheteurs qui vous posent cette question, rappelez-leur que les déterminants de la valeur future se trouvent davantage dans l’amélioration de la localisation que dans l’évolution des prix à la consommation.
C’est une question qui est souvent posée : quel lien entre les niveaux de loyers dans les logements et l’inflation ? Spoiler : il y a un lien fort ! En effet, les baux de location résidentielle prévoient quasiment tout le temps une clause de révision annuelle du loyer qui permet au propriétaire bailleur de le réévaluer une fois par an (au moment de la date d’anniversaire du contrat de location). Cette révision ne peut pas se faire à n’importe quel niveau car elle se base sur un indice national. Il s’agit de l’indice de référence des loyers (IRL) qui est calculé tous les trimestres à partir de l’évolution des prix à la consommation.
Le 15 avril 2022, l’INSEE a par exemple indiqué que l’IRL du premier trimestre de l’année s’élevait à 2,48%. En conséquence, les locataires dont le bail arrive à sa date anniversaire entre avril 2022 et juin 2022 pourraient voir leur loyer augmenter de 2,48%. Cela représente 20 euros de plus pour un loyer de 800€. C’est la plus forte augmentation de l’IRL depuis 2008 où il avait atteint 2,95% au 3ème trimestre. C’est donc à la fois une bonne nouvelle pour les bailleurs et une mauvaise nouvelle pour les locataires. Ces derniers seront d’autant plus impacté que la réévaluation des APL n’est elle fait qu’une fois par an, c’est-à-dire au 1er octobre 2022. D’ici là, ils subiront à plein les effets de l’inflation et ca ne sera pas sans conséquence sur leur pouvoir d’achat.
Que les bailleurs ne se réjouissent pas trop vite… Certains impôts sont aussi liés à l’inflation et c’est malheureusement le cas de la taxe foncière à laquelle ils sont assujettis. Cette taxe est calculé à partir des valeurs locatives des biens qui sont elles aussi revalorisées chaque année en fonction de la hausse des prix. Etant donné les évolutions constatées, on peut donc s’attendre à une hausse de la taxe foncière de 3,4% en 2022 et certainement encore davantage en 2023. Et encore, ces hausses ne prennent pas en compte des décisions venant des collectivités locales qui peuvent augmenter aussi le niveau de la taxe foncière comme elles le souhaitent. Autrement dit, dans les territoires où les élus ne souhaitent pas augmenter la taxe foncière, celle-ci augmentera quand même de 3,4% car c’est la règle. Mais dans les territoires où les élus avaient de toutes façons choisi d’augmenter cette recette fiscale, notamment pour compenser la suppression de la taxe d’habitation, la hausse sera plus significative.
La hausse de la taxe foncière touchera aussi les propriétaires occupants. Pour le coup, ce sera ici une vraie diminution du reste à charge et cela aura des conséquences sur leur capacité d’emprunt. L’Etat n’a en effet pas prévu de compenser cette hausse de taxe foncière et il est peu probable qu’il change d’avis dans les prochains mois. Renseignez-vous sur la volonté locale de vos élus pour évaluer la hausse de la taxe foncière et essayez de mesurer l’impact sur le reste à charge de vos acquéreurs potentiels.
C’est là encore une question à tiroirs. Nous pouvons dire que l’inflation et les taux d’intérêts entretiennent au moins deux relations très fortes. D’une part, les banques centrales n’aiment pas voir l’inflation trop longtemps au-delà de 2% et elles ont donc tendance à augmenter leurs taux car cette situation perdure. En effet, la hausse du taux entraine mécaniquement un ralentissement de l’économie et donc une réduction de la surchauffe des prix. On le constate déjà. De nombreuses banques centrales ont déjà remonté leurs taux depuis quelques mois afin de réduire l’inflation. Comme nous l’avons dit plus haut, le consensus des économistes est aujourd’hui un scénario où l’inflation ralentit d’ici la fin de l’année et où la hausse des taux d’intérêt ne continuent pas au rythme que l’on observe aujourd’hui. A un acheteur qui hésite, vous pouvez donc répondre sans trop vous tromper que les taux seront plus élevés en juillet 2022 qu’en avril 2022, même si personne ne table sur des taux à 5% ou plus en 2023 ou 2024.
Le deuxième lien entre inflation et taux d’intérêt mérite aussi d’être rappelé. En théorie économique, on dit que c’est le taux d’intérêt réel qui compte pour l’emprunteur et non le taux d’intérêt nominal (celui qui est mis en avant par la banque sur sa proposition de financement). En effet, quand on s’endette à un taux nominal de 2% alors que l’inflation est de 3% cela revient à dire que le taux réel est en réalité de -1% (2% - 3%). C’est donc un mauvais taux en apparence mais un très bon taux en réalité. Vous pouvez utiliser cet argument auprès d’acquéreurs potentiels pour qui le reste à charge permet largement de payer les mensualités nécessaires. En revanche, il est difficile d’expliquer à quelqu’un qui est très limite que la hausse des taux n’est pas un problème pour lui car la banque sera de fait inquiète quant à sa capacité à payer ses mensualités, indépendant du taux réel qui n’est jamais que de la théorie économique.